Le bonheur passe-t-il par la création, l’action, la mise en mouvement ?
Ou par l’oisiveté, le repos, l’étude, la contemplation ?
En philosophie, c’est un sujet qui passionne autant les Grecs, les Romains et mes modernes.
Vita activa. Vita contemplativa.
Comment vivre sa vie ? Quelle est la “bonne” posture ?
C’est un sujet qui m’obsède pas mal actuellement.
Comme je te partageais dans une précédente lettre.
L’entrepreneuriat est parfois un vampire.
C’est un serviteur incroyable et un mauvais maitre comme l’on dit en général de l’argent.
Notre société moderne valorise clairement la vita activa.
Que ce soit par son mode de fonctionnement économique que par sa culture dans presque toutes les parts et strates de notre planète.
Cette injonction à l’activité et à la productivité (ou production) transforme du coup notre rapport au temps.
Chaque seconde doit être au service d’un projet, d’une cause utilitaire pour soi, autrui ou “le monde”.
Tout est pensé en lien avec un but, une direction, un futur potentiel.
Plus rien ou presque n’est une fin en soi.
Est-ce que j’écris cette lettre pour le futur de mon activité ?
Ou pour le plaisir que j’ai à sentir mes doigts défilés au rythme de ma pensée ? (en vrai je ne tape pas assez vite malheureusement…).
On est presque tous victimes de ce fléau en tant qu’Occidentaux du XXIe siècle.
Nous sommes les héritiers du capitalisme, de l’industrialisation et autres idéologies productivistes et machinistes.
Ce qui n’est pas une catastrophe intégrale en soi.
Mais cela met de côté, l’autre part de la bonne vie.
La vita contemplativa.
Ou la capacité à être inactif. Oisif. Contemplatif.
Ce que les penseurs Romains comme Sénèque ou Cicéron (mes amis de pensées) appelaient l’otium.
L’otium, dans la pensée antique romaine, désigne le temps libre consacré à des activités nobles et spirituelles, par opposition au negotium (les affaires, les obligations sociales ou commerciales). Ce n’est pas de l’oisiveté, mais un temps retiré du tumulte du monde pour se consacrer à la lecture, la philosophie, l’écriture, la contemplation, l’étude de soi et du cosmos. C’est une forme de retraite intérieure, volontaire, qui vise l’élévation de l’âme et la construction d’un rapport plus juste à soi, aux autres et à l’univers.
Une posture dans l’existence qui était en sorte elle-même héritière à celle d’Aristote.
Aristote lui considérait que le bonheur suprême (eudaimonia) était de mener une vie de l’esprit (theoria). La vie de l’esprit ou contemplative était la plus haute forme de vie.
Cette vie était possible grâce à ce que le penseur Grecque (polymathe ultime en passant cet Aristote !) appelait la scholé qui signifie temps libre et qui donna naissance au terme “école”.
Des termes que les Grecs et romains opposaient au negotium (activité marchande) et l’ascholia (vie active).
Comme toujours ou presque, un petit détour par nos ancêtres Gréco-romains permet de mieux comprendre notre époque et nous donne des pistes de réflexions et d’actions pour mieux vivre.
D’autant plus à un moment de l’Histoire où la valeur de l’activité va diminuer avec les intelligences artificielles.
Réapprendre la “vita contemplativa” est une nécessité existentielle.
Et le coupler avec une vita activa telle que le développement de ses idées, d’une perspective est à mon sens une des plus belles manières de mener son existence tout en contribuant à l’éclairage de nos contemporains qui en ont et auront bien besoin ces prochaines années (et décennies).
Le bonheur est donc dans la capacité à jongler entre l’être et le faire.
Les deux œuvrent au service de l’autre.
On pourrait les opposés (dualité) alors qu’ils vont ensemble (non duel).
Si tu comprends cela et que tu l’intègres, tu auras la capacité à atteindre (parfois) le plus haut bonheur (eudaimonia).
Je te souhaite une "vita contemplativa" aujourd'hui.